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Référent : Ph. Bourdeau

Mots clés : Dissidence, alternatif, contre-culture,  résistance, transition

 

Cet appel à texte vise à interroger la place et les caractéristiques de ces pratiques dissidentes dans les sociétés contemporaines. Les pratiques récréatives, pour ceux qui ne les envisagent pas comme de simples dérivatifs ludiques, pourraient peut-être se concevoir comme reconquête d’une autonomie perdue face à l’hétéronomie économique, juridique ou environnementaliste. Là où certains sociologues, à l’instar de Dubet (1994), observent la fragilité des identités induisant la pratique d’un “bricolage de sens”, les divergences récréatives pourraient jouer un rôle de reconstruction identitaire… Quel est alors l’appareil théorique et méthodologique approprié pour aborder les processus et les significations du versant off du champ récréatif, qui oscille en permanence entre jeu et transgression, ostentation et clandestinité, résistance et créativité ?

La revue Nature & Récréation invite les chercheurs issus de l’ensemble des disciplines des sciences humaines et sociales à soumettre des articles scientifiques qui interrogent les enjeux de connaissance et d’approche des contre-cultures, des contre-lieux et des contre-temps récréatifs.

Natures buissonnières : défoulement,
contestation ou transition vers un autre habiter récréatif ?

Barbara Évrard

Maître de conférences en sociologie, université de rouen, laboratoire cetaps.

Philippe Bourdeau

Professeur de Géographie Culturelle, Institut de Géographie Alpine (Université de Grenoble et UMR PACTE)

 

200 premiers mots. La récréation de masse est devenue une forme de divertissement parmi d’autres. Les pratiques de nature ne font pas exception à cette tendance et connaissent depuis quelques années un engouement sans précédent. On estime à un tiers la part des Français de plus de 15 ans qui s’adonnent à ces activités, dont les plus pratiquées sont le vélo et la randonnée pédestre. Autre signe de développement, parmi les 330 000 installations sportives recensées en 2006 (Bouffin et al., 2008), 78 500 (soit 23,8 %) sont des sites, espaces et équipements dédiés aux activités de nature. Ces pratiques investissent des terrains aussi divers que la ville, la campagne, la montagne ou le littoral. Le développement de ces activités s’inscrit dans un contexte marqué par plusieurs tendances : la décentralisation dans laquelle le département est appelé à jouer un rôle de chef de file pour les activités de nature ; l’urbanisation galopante du territoire, avec une volonté de consolider le droit à l’environnement, de réhabiliter des territoires et de faire du “développement durable” ; les exigences des usagers en matière d’accessibilité et d’aménagement des espaces récréatifs. Sur fond de multiples facteurs de changement culturel et de crise, le rapport à l’ailleurs dans...

Vacances buissonnières sur le littoral camarguais

Laurence Nicolas

Anthropologue, chargée de recherche à Ressource (REcherches en Sciences Sociales sur les Organisations, les Usages, les Représentations et les Concertations liés à l’Environnement)

 

Résumé. Sur une plage du littoral camarguais, des pratiques buissonnières de prédation et de “cabanisation” ont

pris place durant des décennies. Prises entre deux processus, l’un relevant de la patrimonialisation, l’autre de la reconquête d’un espace public, elles se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins et peinent à faire reconnaître la citoyenneté dont elles sont pourtant porteuses. Analysant les modalités par lesquelles les adeptes de ces pratiques en viennent à invoquer la notion de tradition et de coutume face à la volonté de l’état de reconquérir cet espace littoral, l’article examine dans un premier temps la robustesse toute relative de la légitimité que leur procure ce recours notionnel. Mais c’est la confrontation à l’écologisation de ce territoire, nouvellement acquis par le conservatoire du littoral, qui ébranle le plus fortement ces pratiques en les encadrant et en les désappropriant progressivement de l’espace où elles se déployaient. Pourtant, la prise en compte et la valorisation des connaissances, des savoir-faire et des capacités citoyennes dont sont dépositaires ces pratiques pourraient fournir les bases d’une cogestion inédite entre usagers locaux et protecteurs de la nature.

TEXTE INTEGRAL

Aloha Spirit. La vague habitée comme rempart à l’institutionnalisation de la culture surf

Ludovic Falaix

Maître de Conférences, Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, Laboratoire ACTE EA 4281

Résumé. Plus que de s’inscrire dans le champ de la transgression ou de la dissidence, les résistances et contestations de certains surfeurs ne relèvent-elles pas d’une volonté de préserver l’habitabilité de la vague induite par l’acte de glisse ? N’est-il pas possible d’analyser les déviances, les contestations, les pratiques buissonnières, non comme de simples manifestations d’une contestation sociale et culturelle, mais davantage comme l’expression d’une volonté de préserver un rapport privilégié à la nature au cours duquel les individus expérimenteraient leurs affectivités en ayant le sentiment qu’il participe d’une sécurisation de leur existence ? Cet article, construit à partir d’une enquête ethnographique, met en lumière le fait que les résistances et contestations témoignent d’une volonté de préserver la dimension existentielle induite par l’habitabilité de la vague. Dans ce contexte, pour certains surfeurs, l’enjeu consiste à préserver le aloha spirit, soit “l’expérience du souffle de vie”.

TEXTE INTEGRAL

L’urbex, une dissidence récréative

en “nature” urbaine

Florian Lebreton

Maitre de Conférences, Département STAPS, Université du Littoral Côte d’Opale, Laboratoire Territoires, Villes, Environnement et Société (EA 4477) Maison de la Recherche en Sciences de l’Homme

 

Résumé. L’urbex (exploration urbaine) est une activité qui consiste à explorer l’espace urbain et à pénétrer dans des lieux et sites aujourd’hui abandonnés (bâtiments publics et privés, hôpitaux, usines, toitures...), situés en marge de toute planification urbaine. L’urbex consiste à transgresser les interdits qui réglementent l’accès à ce type de bâtiments (piratage spatial) ; elle illustre un “tourisme” d’aventure alternatif réinventé par la périphérie, participant des cultures récréatives dissidentes. L’urbex nous fournit alors une grille de lecture dans le champ des “habiter” récréatifs, c’est-à-dire les usages inhabituels de sites et “lieux” urbanisés prenant leurs racines dans une expérience underground. Dans ce registre, le thème de l’urbanité ludique caractérise cette “(re)conquête” des questions environnementales par la sociologie. Dans un contexte d’écologisation de la société, ce thème apparaît pertinent pour saisir les contours actuels de l’expérience spatiale, corporelle ou ludo-sportive.

La liberté enterrée ? La sensibilité libertaire des spéléologues

Pierre-Olaf Schut

Maître de Conférences en STAPSACP (EA 3350), Université Paris-Est Marne-la-Vallée

 

Résumé. Entre la fin des années 1960 et le début des années 1990, les spéléologues français font face à de nombreux enjeux : des problèmes récurrents d’accès aux sites de pratique, la mise en place d’un corps de professionnels, l’organisation de compétitions, la protection des cavités... Les voix des spéléologues se font entendre. Les réponses apportées à ces questions de nature différente ont un trait commun. En effet, elles trouvent une cohérence dès lors que l’on identifie un état d’esprit libertaire propre aux pratiquants qui se font entendre et qui transcende leurs plus profondes aspirations. Sans aller jusqu’à l’engagement militant, cette sensibilité éclaire l’évolution de la spéléologie. Ce travail historique s’appuie sur un corpus constitué des publications fédérales (spelunca) et d’écrits non institutionnels, comme le périodique spéléo, ou d’ouvrages écrits par des spéléologues.

L’essor des centres naturistes en France

(du XIXe au milieu du XXe siècle). Vers une redéfinition sportive d’une nature sauvage ?

Sylvain Villaret

Université du Maine, Laboratoire VIPS EA 4636

Résumé. Inventé au XVIIIe siècle, le naturisme se développe en réaction aux bouleversements qui traverse l’Europe du premier XIXe siècle. Fondé sur le mythe d’un retour salvateur à la nature, il incarne une philosophie de soins avant de s’affirmer en tant que thérapeutique et hygiène de vie. En Allemagne, les premiers centres naturistes sont des lieux de cure où l’on vient recouvrer la santé au contact d’une nature sauvage. Ils évoluent rapidement en suivant le modèle des stations thermales et climatiques. Au début du XXe siècle, le naturisme se reconfigure autour de centres de loisirs implantés en pleine nature ou en zone périurbaine. On observe la place et l’importance croissantes accordées aux sports dans ces structures, comme dans les projets naturistes dont elles sont issues. Transposées en milieu naturel, ces pratiques physiques révèlent, in fine, l’ambiguïté de la démarche des pionniers du naturisme. En effet, le retour à la nature s’opère selon une rationalité, une esthétique propres à la modernité. La nature sauvage cède progressivement la place à une nature civilisée, domestiquée, afin d’en maximiser les effets “vitalisants”. Ce processus favorise sa déclinaison sportive, son inscription dans un imaginaire sportif où la dimension ludique, hédoniste, côtoie la quête de performance.

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